Volume 1
• Composer(s): Johann Sebastian Bach (1685—1750)
• Title: Bach on the Lute
• Year of edition: c.1700-1750
• Source(s): Diverse
• Volume: 1-2
Contexte et historique
Il est clair pour nous maintenant, au XXIe siècle, que Bach n’a jamais joué du luth. Il aurait entendu de la musique pour luth jouée par des luthistes professionnels (par exemple, Silvius Leopold Weiss, Johann Krofgans et Adam Falkenhagen), avec eux il aurait connu la tessiture normalement adoptée pour le luth à son époque ainsi que les textures et le nombre de voix couramment utilisés. Il n’a pas écrit pour le luth avec la connaissance du jeu de l’instrument et de sa touche. Il serait donc plus réaliste de considérer les œuvres « pour luth » de Bach comme ses œuvres « dites pour luth ».
Pourquoi « dites » ? Il faut revenir à la fin du XIXe siècle ; je recommande à chacun de trouver et de lire l’article de 1901 de Wilhelm Tappert, Sebastian Bach’s Compositionen für Laute (voir bibliographie). Ce sont les recherches de Tappert et de ses contemporains qui ont donné naissance à la première édition des œuvres de Bach par la Bach-Gesellschaft avec leurs numéros BWV, si familiers pour nous aujourd’hui. Pendant plus de 100 ans, cette édition nous a persuadés que les BWV 995 à 1000 ainsi que 1006a sont les « œuvres pour luth » de Bach. La vérité est bien plus complexe...
Les « œuvres pour luth », telles que décrétées par la Bach-Gesellschaft et par Tappert en 1901, sont au nombre de sept :
BWV 995 Suite en sol mineur; BWV 996 Suite en mi mineur ; BWV 997 Suite en do mineur ; BWV 998 Prélude, Fugue et Allegro ; BWV 999 Prélude en do mineur ; BWV 1000 Fugue en sol mineur ; BWV 1006a Partita en mi majeur.
Les guitaristes en ont même fait les Suites pour luth 1, 2, 3 et 4, sans compter les œuvres plus courtes ! J’ai cependant trouvé plus utile de les imaginer en trois catégories différentes :
I. œuvres pour luth, clavecin ou plus probablement luth-clavecin (lautenwerck ou lautenwerk) : Suite en mi mineur BWV 996 ; Suite en do mineur BWV 997 ; Prélude, Fugue et Allegro BWV 998 ; Prélude en do mineur BWV 999.
II. remaniements par Bach de sa propre musique écrite à l’origine pour violon ou violoncelle seul : Suite en sol mineur BWV 995 - à l’origine, la 5e Suite pour violoncelle en do mineur Partita en mi majeur BWV 1006a – originellement la 3e Partita pour violon seul BWV 1006
III. arrangements en tablature de la musique de Bach réalisés par des luthistes contemporains de Bach : Fugue en sol mineur BWV 1000 (réalisée par Weyrauch) Suite en sol mineur BWV 995 (anonyme, mais peut-être par Adam Falkenhagen) Suite en do mineur BWV 997 (réalisée par Weyrauch)
Luth, clavecin ou luth-clavecin
Nous savons qu’à sa mort, Bach possédait deux instruments appelés lautenwerk et que cet instrument est mentionné sur la page de titre de la source primaire de BWV 996. Il ne subsiste plus aucun luth-clavecin, mais pour une introduction à l’histoire, au concept et à l’utilisation de cet instrument, l’article de Howard Ferguson de 1967 (Bach’s Lauten Werck) est une excellente lecture.
Les œuvres de luth seul ?
Une seule œuvre est clairement destinée au luth, la Suite en sol mineur, BWV 995, une copie autographe du réarrangement par Bach de sa 5e suite pour violoncelle. Quelques considérations générales de style que nous pouvons observer dans la Suite BWV 995 sont discutées ici dans les « Commentaires critiques ».
Notation de la ligne de basse
Bach n’écrit presque jamais de notes pour le luth plus longues qu’une noire. Les exceptions peuvent être les accords finaux ou certaines lignes de basse qui peuvent s’étendre jusqu’à une blanche. Si nous considérons BWV 995, de nombreuses notes de basse d’une mesure complète sont écrites comme des noires avec un silence de 3 temps, ou dans le Prélude (Tres viste), une croche et deux demi-soupirs. Je crois que Bach a essayé d’écrire ce qu’il a entendu des luthistes.
Le son des cordes en boyau du luth, et en particulier des basses en boyau, était relativement court par rapport au son du clavecin. Nous n’avons cependant pas de sources dans le répertoire du luth ou d’instructions techniques des XVIIe & XVIIIe siècles qui indiquent aux joueurs comment arrêter les basses ou quand les arrêter. Il existe quelques indications sur la manière de jouer avec une articulation variée dans les autres voix (en utilisant les doigts de la main droite) mais jamais le pouce. On nous dit cependant que, sur le luth à 11 ou 13 chœurs, le pouce doit jouer vers le chœur grave voisin, puis rester posé dessus jusqu’à ce qu’il joue la note suivante. Si nous prenons le Prélude de BWV 998, qui est pour Laute ò Cembal, Bach écrit également des basses courtes. Il n’y a pas une seule note de basse écrite pour être soutenue pendant une mesure entière.
En tant que luthistes, lorsque nous jouons Weiss à partir d’une tablature, nous ne pensons pas à arrêter chaque note de basse et lorsque nous observons l’autographe de BWV 998 ou 995 et que nous pensons que nous devons suivre la notation précisément, nous tombons dans un nouvel univers technique avec de nouvelles exigences. La solution, je pense, est simplement que Bach écrivait en tant que claviériste, et souvent pour le clavier, et qu’il voulait imiter le luth et la façon dont les notes des basses du luth s’éteignent rapidement. Lors de la répétition du mi bémol grave au début de BWV 998, il est facile de replacer le pouce de la main droite rapidement, en préparation de la prochaine note de basse. Ce n’est pas aussi simple, cependant, dans l’ensemble de la pièce. Comme partout dans le répertoire du luth, je n’ai pas indiqué, dans cette édition, la longueur de note des basses ouvertes.
Un autre élément à prendre en compte pour la ligne de basse est le cordage des chœurs graves à partir du 6e. Il était traditionnellement constitué par paires, avec une basse fondamentale et une deuxième corde accordée une octave au-dessus. Parfois, la note la plus élevée de la paire peut sonner plus fort que la plus basse. Je pense qu’il est possible que dans certains des accords que Bach écrit pour le luth, il indique la note la plus basse et la plus haute de la basse comme deux notes séparées, par exemple dans le dernier accord de la Courante de BWV 995.
Pour transformer ces « œuvres pour luth » en tablature qui donneront la sensation et le son de la musique idiomatique pour luth, nous devons permettre à la ligne de basse de changer parfois d’octave. Tous les luthistes envisageraient de jouer une basse une octave plus grave si cela rendait les autres voix jouables ; cela libère la main gauche pour les voix supérieures. Pouvoir jouer des notes chromatiques que l’on ne trouve dans aucun accordage des chœurs 6 à 13 ouverts, nécessite également la transposition d’une octave, cette fois-ci vers le haut. L’oreille reconstitue la phrase grâce à l’accord à l’octave des basses, comme mentionné ci-dessus.
Accords et harmonisation
L’écriture normale pour luth du XVIIIe siècle se compose principalement de 2 voix, aiguë et grave, en ajoutant parfois une voix centrale supplémentaire, ce qui donne une texture à 3 voix. Les accords à 4 voix ou plus étaient généralement réservés aux cadences ou à des moments particuliers. Une façon de décider si une œuvre de Bach est orientée vers le clavier ou le luth est d’examiner la texture des accords et des contrepoints. En réalisant cette édition de tablatures des « œuvres pour luth », j’ai parfois allégé la texture pour la rendre plus proche de celle du luth.
Articulations
Si nous examinons la musique pour luth de Silvius Leopold Weiss ou l’arrangement en tablature de BWV 995 que l’on croit être l’œuvre d’Adam Falkenhagen, nous pouvons constater que l’articulation — sous forme de liaisons de la main gauche, d’utilisation de cordes ouvertes ou arrêtées — est variée et idiomatique. Aucune des partitions en notation pour clavier des œuvres « dites de luth » ne comporte d’articulation, il appartient donc au luthiste de trouver des solutions musicales. Ce sont ces œuvres qui constituent la majeure partie de cette édition.
Ornementation
Chaque instrument avait son propre jeu idiomatique d’ornements et de notes d’agrément, et les utilisait avec une fréquence qui convenait à l’instrument et qui mettait en valeur la musique. Il suffit de comparer les deux mondes du clavecin et du luth (par exemple, Louis Couperin et Denis Gaultier) pour constater que l’ornementation des luthistes était plus simple et moins fréquente que celle de leurs contemporains aux claviers. Il en allait de même dans l’Allemagne du XVIIIe siècle. Dans la musique pour luth de Silvius Leopold Weiss, il y a deux signes qui sont couramment utilisés avec, occasionnellement, un troisième et un quatrième, alors que Bach utilise beaucoup plus de signes dans ses œuvres pour clavier. Comme la plupart des œuvres « dites pour luth » sont une combinaison des deux styles, nous devons nous assurer que l’ornementation est idiomatique du luth. Les trilles du clavecin (ou du violon) peuvent avoir besoin de devenir des appoggiatures au luth. Nous pouvons considérer BWV 1006 et BWV 1006a comme un exemple utile de cette pratique. BWV 1006a abonde en appoggiatures alors que souvent dans les mêmes passages le violon a des trilles.
Pour ceux qui souhaitent en savoir plus sur Bach et le luth, je recommande l’ouvrage de David Ledbetter, Unaccompanied Bach/Performing the Solo works. Dans tous les aspects de l’étude et de l’interprétation, j’ai trouvé que c’était un compagnon et un guide indispensable. Pour un aperçu des œuvres pour luth plus récent, la courte étude d’Ingo Negwer, Bach and the Lute, est une évaluation claire et concise des sources et des instruments prévus pour ces œuvres.
Nigel North, 2023
Volume 1
• Editor(s): Nigel North
• Music period: Baroque
• Instrument(s): 11c/13c Baroque lute
• Instrumentation: Baroque lute solo
• Notation: French tablature
• Modern edition: Urtext
• Publisher: Le Luth Doré Urtext Editions
• Year of publication: 2023
• Collection: Lute and Theorbo Music Collection
Volume 1
• Pages: pp. 208
• Dimensions: 230x310 mm
• Weight: 0,740g
• Binding: Section sewn glue binding
• ISMN: 377-0-0017-8838-8
Volume 2
• Pages: pp. 296
• Dimensions: 230x310 mm
• Weight: 1,100g
• Binding: Section sewn glue binding
• ISMN: 377-0-0017-8839-5
Born in London, England, Nigel North has been playing the lute for over 50 years, since the age of 15. Teaching and playing have gone hand in hand, and he has been Professor of Lute at the Historical Performance Institute (formerly Early Music Institute) and Indiana University, Bloomington (USA), since 1999. Previously he held positions at the Guildhall School of Music and Drama, London (1976-1996), Hochschule der Künste, Berlin (1993-1999), and the Royal Conservatory, Den Haag (2006-2009).
Initially inspired at the age of seven by the early 1960s instrumental pop group The Shadows. Nigel studied classical music through the violin and guitar and eventually discovered his real path in life, the lute. Nigel is basically self-taught on the lute and was inspired by Michael Schäffer, Gustav Leonhardt and the Jazz duo Tuck and Patti.
Bach has always been his first love in music, especially after a dream he had at age 12 in which Bach handed him a lute. After hearing one of Nigel’s Bach recitals in London in 1996, Julian Bream later recalled in 2002, “I remember going to a remarkable recital, one which I wish I had the ability to give: it was one of Nigel North’s Bach recitals, and I was bowled over by how masterful and how musical it was. A real musical experience, something you don’t always get from guitar and lute players and which, in general, is pretty rare.”
Nigel is the author of Continuo Playing on the Lute, Archlute and Theorbo (Faber, 1986). His recordings include a 4-CD boxed set, Bach on the Lute (Linn Records), four CDs of the lute music of John Dowland (Naxos), and more recently 4 CDs of music by Silvius Leopold Weiss (BGS) and 2 CDs of music by Francesco da Milano (BGS).
Passionate about the baroque era, Jean-Daniel Forget is a self-taught lutenist. In order to play the forgotten lute works of the 17th and 18th centuries, he has copied and studied their manuscripts for almost 20 years.
A long career as a computer scientist having made him expert in programming, allowed him to utilize the formal logic of writing music, especially that which transcribes tablature for instruments with fretted strings.
In collaboration with Guy Grangereau, he has posted his tablatures on a public Internet site that is frequented by many lutenists and guitarists. Forget was enlisted by Miguel Serdoura to help prepare the musical examples for his fine Method for the Baroque Lute: A Practical Guide for Beginning and Advanced Lutenists. He continues to assist Serdoura in the preparation of Le Luth Doré’s Urtext editions.
Le Luth Doré Urtext Editions
The Le Luth Doré Urtext Editions offer musicians and musicologists worldwide reliable and authoritative musical texts. The main features are:
• superb and aesthetically appealing music engraving
• optimized for practical use (page turns, fingerings)
• books originally in Italian tablature are published in both Italian and French tablatures
• high-quality and durable (cover, paper, binding)
• both original and modern prefaces, documentation of the corrections made and explanatory footnotes in English, French, Italian, German …
About Le Luth Doré Urtext Editions
Our editions are urtext: we strive to provide reliable musical texts that are as true as possible to the existing sources and the composer’s intentions. We are aware, of course, that it is impossible to reconstruct the one and only urtext. Often, several manuscript sources exist for the same piece, and there is little reliable guidance for determining which version best represents the composer's intentions.
Although we cannot entirely dissipate historical uncertainty, we can compare texts and correct obvious errors, which sometimes occur even in autograph manuscripts. Sources have been meticulously examined - note by note, mark by mark.
The most important observations and editorial decisions are elucidated in the prefaces, in the critical commentary, in footnotes, or marked as such in the musical text. It therefore comes as no surprise that an editor has to invest a great deal of patience, knowledge and time when piecing together an urtext that is true to the source and, hopefully, to the composers’ intentions as well. Proven specialists with extensive knowledge and experience edit our Le Luth Doré Urtext Editions in close cooperation with our Editorial Department.
Each verified musical text preserves the original fingerings and notation of ornamentation and, in the absence of original manuscript notations, also sets forth helpful suggestions by modern masters regarding useful fingerings and ornaments faithful to historical style, as a stimulus to further thought and a starting point for the student's approach to performance.
We are deeply grateful to all the extraordinary musicologists, music teachers and artists that put their knowledge and experience at our disposal for Le Luth Doré Urtext Editions.
Le Luth Doré ©2015