Œuvres
Kapsberger est essentiellement connu aujourd'hui pour sa musique très inventive et idiosyncrasique pour le luth et, surtout, pour le théorbe. Il a publié quatre livres de musique pour chitarrone, (dont l’un est perdu) et deux livres de musique pour luth, (dont l’un est également perdu), auxquels s’ajoutent quelques pièces supplémentaires trouvées dans divers manuscrits.
Kapsberger applique au théorbe des innovations stylistiques modernes. Sa réussite à combiner audacieusement des expériences esthétiques avec des moyens techniques idiomatiques, est d'autant plus remarquable quand on considère les changements constitutifs importants intervenus sur l'instrument pendant sa vie. Alors qu'une poignée de pièces tardives sont écrites pour le théorbe chromatique 19 chœurs, la grande majorité de ses compositions (y compris toutes celles du Libro primo) demandent un chitarrone de onze chœurs ou moins. Ce qui permet d’associer maintenant sa musique de théorbe aussi bien avec des luths avec accord réentrant des basses qu’avec le grand théorbe romain, tant apprécié aujourd'hui.
La musique solo pour cordes pincées n’est, en fait, qu'une petite partie de la production de Kapsberger. En revanche, ses autres compositions comprennent douze volumes de monodies profanes, six livres de musique vocale sacrée, deux recueils de danses instrumentales et des symphonies, des messes et des opéras. Dans ce corpus, on remarque deux livres de monodies sur des poèmes du pape Urbain VIII, une œuvre qui fut commandée pour célébrer la canonisation de saint Ignace de Loyola (fondateur de l'ordre des Jésuites), ainsi qu’une cantate qui fut jouée au Palais Pitti à Florence. On sait que plusieurs grandes œuvres ont été perdues.
En tant que compositeur, Kapsberger jouit d’une réputation internationale et sa musique est hautement appréciée par toutes les autorités musicales contemporaines. Le grand théoricien Kircher l’a désigné comme un [génie exceptionnel] qui a [pénétré avec succès les secrets de la musique], et même, il le considère comme un digne successeur de Monteverdi.
Heureusement, au cours de la deuxième moitié du 20e siècle, des études - citons essentiellement les recherches de Paul Kast et de Victor Coelho - ont réévalué la position de Kapsberger dans le milieu culturel du seizième siècle.
Grâce à de nouveaux enregistrements et à des éditions comme la nôtre, nous pouvons aujourd'hui enfin apprécier la personnalité musicale vigoureuse, ingénieuse, quelquefois délicieusement décalée de cet artiste unique et si important.
Giovanni Girolamo Kapsberger (c. 1580-1651)
Giovanni Girolamo Kapsberger (or Hieronymus Kapsperger) fut le fils d'un certain William Kapsberger, un colonel au service de la Maison impériale d'Autriche. Grâce à cet héritage teutonique et à ses prouesses sur le théorbe, il fut qualifié d’« Il Tedesco della tiorba ». On ne sait rien de sa formation. Ses premières activités sont centrées à Venise, où sa musique fut publiée pour la première fois en 1604.
En 1605, Kapsberger est à Rome où il est introduit dans plusieurs académies prestigieuses et ordres religieux séculiers (laïcs), dont l’Accademia degl’Imperfetti et l’Accademia degli Umoristi, ainsi que dans les ordres de Saint-Étienne et celui de Saint-Jean. En 1624, il se place sous le haut patronage du cardinal Francesco Barberini. Ce fut une position des plus importantes, car le puissant et très influent Barberini était, à cette époque, le plus grand mécène des arts de Rome.
Un nombre considérable des publications de Kapsberger est dédié à des membres de sa famille très élargie, ce qui inclue le pape Urbain VIII, (Maffeo Barberini), connu aujourd'hui comme étant le pontife siégeant au procès de Galilée. Dans ce cercle, Kapsberger a travaillé au côté de Girolamo Frescobaldi et de Stefano Landi, ainsi que de beaucoup d'hommes de lettres de haut rang, dont un autre futur pontife, Clément IX (Giulio Rospigliosi). Un autre collègue rencontré sous le patronage de Barberini pourrait avoir joué un rôle décisif dans la formation de la réputation de Kapsberger pour la postérité : c’est le théoricien Giovanni Battista Doni.
En 1640, Kapsberger fit sa dernière publication. À cause de son népotisme flagrant et de son irresponsabilité fiscale, la famille Barberini est finalement forcée de s’éloigner de Rome, et Kapsberger est obligé de quitter l'entourage du cardinal en 1646. De ce moment jusqu'à sa mort, ses activités ne sont plus connues. En 1651, il fut enterré dans l'église de San Biagio à Rome. Il était âgé de 71 ans.
Christopher Wilke | Le Luth Doré ©2015